Je m’appelle Raphaël et j’ai 35 ans. Physiquement, je ne me trouve pas trop mal. Je suis grand, mince, j’ai des cheveux noirs et hirsutes, de grands yeux verts, un nez qui me donne du caractère et des mains fines. J’habite dans un grand appartement lumineux situé dans une petite ville du nom de Mars. Je suis chercheur, je travaille dans un laboratoire pharmaceutique et j’expérimente de nouveaux médicaments.
Ce soir, je suis assis à la table de ma cuisine et je fume cigarette sur cigarette en buvant une bouteille de vodka qu’un de mes amis m’a ramenée de Russie. Je me sens vide. Ma vie ne me convient plus, j’ai du mal à lui donner un sens. J’ai toujours essayé de comprendre le monde à l’aide de la science et je n’ai jamais cru en Dieu. Je ne laisse pas de place à l’imprévu dans ma vie, j’ai systématiquement besoin de donner une explication rationnelle à ce que je vis et de garder le contrôle permanent sur mon existence. C’est pourquoi, j’évite les situations où je me sens perdu et insécurisé.
J’ai été élevé par des parents catholiques et pratiquants. Ma famille et moi allions à l’église régulièrement. J’ai toujours pensé que mes géniteurs étaient croyants parce qu’ils avaient peur de la mort et qu’ils avaient besoin de se rassurer et de trouver un échappatoire à la réalité insoutenable de l’existence physique. Je me suis battu pour me libérer de leur influence et pour trouver mon propre chemin loin des sentiers de la foi. Je pensais que la science était la meilleure alternative pour me sentir libre, et c’est pourquoi je me suis orienté dans cette voie.
Aujourd’hui, je ne suis plus très convaincu de mon choix. J’ai peur de l’avenir et je trouve le monde triste sans symbolisme. L’amour reste un grand mystère pour moi ; je me demande si les phéromones suffisent à l’expliquer, et j’espère secrètement que ce n’est pas le cas. Je suis célibataire depuis trois ans et je ne sais pas comment aborder les femmes. J’aimerais rencontrer une personne qui pourrait m’apprendre à aimer et à apprécier la vie, mais j’espère que j’aurai la patience de l’attendre ; rien n’est moins sûr…
Aude Awa